• La vie aventureuse de Yves Mialaret

      

    Yves Louis Mialaret est né en 1774 à Lauzerte. Son père est avocat en parlement, originaire du Cantal, sa mère Catherine Craissac est décédée un an après sa naissance après avoir mis un dernier enfant au monde.

    C'est son frère Jacques Hippolyte, de dix ans son aîné, et sa soeur Justine qui le tiennent sur les fonds baptismaux.

    En 1789, pour le soustraire aux troubles révolutionnaires, son père l'envoie rejoindre ce frère dans la colonie française de St Domingue, futur Haïti.

    Quand il arrive là-bas, personne pour l'attendre. Il se retrouve tout seul, à 15 ans, sans bagages ni argent en pays inconnu. Mais, peu importe, il est jeune et instruit et il y a une forte demande d'instruction dans le pays de la part des colons français pour leurs enfants mais aussi des populations créoles et noires et il trouve facilement du travail pour enseigner les uns et les autres, sans distinction. Il préfère s'éloigner de la ville et parcourir la campagne et porter l'instruction aux paroisses les plus éloignées jusque dans la montagne. Il a beaucoup de charme et est bien accepté et apprécié par tous.   
        

    Mais dès 1790, l'orage révolutionnaire arrive dans l'île. Il y a de grandes tensions entre les populations blanche et de couleur. Après un grave affrontement, on l'avertit qu'il y a un Mialaret parmi les morts, c'est son frère ; il lui ferme les yeux et parvient à soustraire son corps à la fureur ambiante pour l'ensevelir de nuit.

    Les grands planteurs qui vivent en France poussent leurs intendants à de grandes violences. Ils sollicitent l'étranger, les Anglais, soulevent les noirs, lâchent leurs propres esclaves. Dans les pillages et les incendies, 3 figures noires se lèvent Toussaint, Jean-François et Biassou.

     

    Après la mort de Louis XVI, les blancs perdant tout espoir en la France se tournent décidément vers l'Angleterre, les noirs vers l'Espagne qui offre des armes et de l'argent.

    Les hommes de couleur* ne veulent leur liberté que par la France, ils s'organisent pour lutter contre ses ennemis. Ils ont besoin d'être aidés, mais leurs instructeurs sont brutaux.Yves Mialaret en a pitié, entre dans la garde nationale, se fait donner un bataillon et lui apprend l'exercice. Il les électrise par sa fougue méridionale et en fait d'excellents soldats.

    Toujours porté par un profond désir de liberté, et de service de la France, il se trouve plusieurs fois à barrer la route à Toussaint Louverture, avide de pouvoir, et qui louvoie entre les forces en présence.

    Quand celui-ci, mécontent des Espagnols, revient en 1794 à la France, il fait saisir Mialaret et l'emprisonne pendant 5 mois où il est condamné à mort avec deux autres Français.

      

    Toussaint Louverture qui a besoin d'un précepteur pour ses enfants demande à sa femme de choisir un des 3 prisonniers pour cette tâche, elle choisit Yves Mialaret sur sa mine avenante, les 2 autres seront fusillés. Il gagne la confiance de la famille, Toussaint bénéficie en cachette de son enseignement. Tout se passe bien pendant quelques années mais le caractère méfiant et ombrageux de Toussaint prend le dessus et il est pratiquement retenu prisonnier dans son domicile.

      

     Une nuit il parvient à s'évader, probablement grâce à Mme Toussaint, et quitter l'île.

    Mais son vaisseau tombe aux mains de corsaires anglais qui après avoir dépouillé leurs passagers les abandonnent sur une île déserte des Lucayes aux Bahamas. De là, avec l'inconscience de la jeunesse, il part sur une barque mais s'échoue sur un îlot sans eau et sans ressources et où il n'est pas loin de mourir. Il a presque perdu espoir quand un navire américain accoste pour prendre du bois. Le capitaine le secoure et l'emmène vers New-York.

    Il y reste 2 ans en prodiguant son enseignement à quelques familles aisées mais il finit par céder à la demande de son père de le revoir et retourne au pays, ce ne sera que le temps de recevoir ses derniers instants. Il trouve un poste de professeur au collège de son enfance mais il souffre d'une affection pulmonaire et le climat trop rude de Lauzerte ne lui convient pas. Il démissionne et est embauché aux « droits-réunis** » ce qui l'emmène dans les Pyrénées, dans le Piémont et enfin, en Toscane. Il est basé à Livourne et de là il a les yeux sur l'île d'Elbe. Son amour des îles le pousse à demander à être muté là-bas. C'est fait en 1812, outre son poste de contrôleur il professe à la chaire de français.   
      

    Il y est encore quand Napoléon y débarque en exil en mai 1814. Il ne peut résister à l'envie d'aller le

    voir. L'empereur l'aperçoit, lui demande ce qu'il veut et, séduit, veut l'engager. Il démissionne des droits réunis et est employé comme précepteur des enfants du maréchal Bertrand qui a accompagné l'empereur dans son exil et il a, en outre, la tâche de lire les pavés de presse anglaise qui arrivent tous les jours et d'en faire des synthèses pour l'empereur.

    Le 1er mars 1815, quand l'empereur et Bertrand partent pour la France, il est chargé d'escorter la maréchale et ses 3 enfants vers Marseille. Quand le bateau arrive, on le prend pour le maréchal et on veut l'exécuter, heureusement une femme le reconnaît, il échappe à la mort mais est emprisonné au château d'If ; la maréchale et ses enfants sont enfermés au lazaret de Marseille.

    Un jour dans sa prison, une femme vient vendre du poisson et lui en vante la fraîcheur en montrant ses ouïes. Il y a là un petit billet plié qui relate la marche victorieuse de l'empereur. Il écrit aussitôt aux autorités de Marseille pour être relâché avec la maréchale. Ils arrivent à Paris, il est hébergé aux Tuileries. Hélas, les ennuis recommencent après Waterloo. Il tente de s'enfuir vers Londres mais est emprisonné au Havre. Là, un Américain le reconnaît comme franc-maçon et le fait évader et embarquer pour les États-Unis.

      

    Là-bas il enseigne un jeune garçon qu'il chérit comme un père mais l'enfant est tué par un cheval sous ses yeux. Désespéré, il part vers le sud et arrive en Louisiane où il trouve des foyers très ouverts, avides de nouvelles du monde. Il arrive dans la plantation des Becknell où il est accueilli à bras ouverts. Il instruit les enfants de la maisonnée dont la jeune Emma, qui deviendra sa femme deux ans plus tard.

    Après la naissance de leur deuxième enfant, en 1825, il décide de rentrer en France et ils s'établissent dans une petite propriété à Léojac près de Montauban. Quatre autres enfants y naissent (voir article sur sa fille Athénaïs).

       Jusqu'à leur adolescence, c'est lui qui instruit ses enfants. Quand son fils aîné Tancrède a 9 ans, il lui prend un camarade de son âge en pension. Ce camarade s'appelle Jacques et n'est autre que le futur père de l'écrivain Marcel Sémézies.

    En 1840, les affaires qu'il a laissées en Louisiane périclitent et il est finalement obligé de retourner sur place. Il part accompagné de son fils Tancrède né là-bas. Voulant que celui-ci soit plongé dans un environnement complètement de langue anglaise, il le met dans un collège 1000 km plus au nord, à Cincinnati dans l'Ohio. Il l'accompagne là-bas, la ville est atteinte par une épidémie de typhus. Il l'attrape et y meurt quelques jours après. Tancrède fera transporter son corps l'année suivante en Louisiane pour être inhumé aux côtés de son beau-père qu'il affectionnait.

    Deux de ses fils, Tancrède et Antonin s'établiront en Louisiane, Henry ira en Estrémadure, seul, le dernier, Hippolyte restera en France où il s'occupera de sa mère et de sa sœur Sélima, malades et qui resteront à Montauban

    * Curieusement, Athénaïs ne compte pas les noirs dans cette catégorie. Elle parle de « jaunes », « mûlâtres » «esclaves nègres»

     ** Administration des domaines

    Sophie

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  • Commentaires

    1
    sdoum82
    Lundi 19 Novembre 2018 à 14:40

    Quelle est la maison que tu as mise en illustration du renvoi sur Marcel Sémézies ? Les Anthémis ?

    2
    sdoum82
    Lundi 19 Novembre 2018 à 18:39

    je suis étonnée, ça ne ressemble pas du tout à la petite maison basse de style américain qu'elle décrit. Mystère !

      • Lundi 19 Novembre 2018 à 19:56

        j'ai pensé la même chose après la lecture de ton article.

        Mais elle a été démolie et c'est ce qui a été construi ensuite.

        Moi, je ne pensais pas que c'était celle là. Il y a une ferme à côté de chez ma mère où on allait chercher des pêches à la saison, la batisse existe toujours et elle est en plus à côté de la rue Athenais Mialaret, mais ce n'est quand même pas à Léojac,  J'ai sillonné à pied et en vélo tout ce secteur, mais la rocade a tout cassé. J'arrive à ne plus m'y retrouver. Ce nom "chapitoulas " c'est eux qui l'ont donné en souvenir de la Louisiane, ça ne doit pas exister sur le cadastre.

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