Voici le livre "Terre d'Oc" d'Emile Pouvillon publié après son décès par son fils Pierre. Je l'ai acheté il y a peu de temps, les pages du livre n'avaient pas été passé au coupe papier. J'en ai revu depuis 2 exemplaires chez un bouquiniste à Luchon. Il en circule encore quelques exemplaires. Nous y retrouvons la promenade à la Ramière avec Henri Marre
Avec google maps, on peut s'amuser à suivre leur circuit.
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L'un peint avec des mots qu'il pourra écrire plus tard, mais est-ce qu'Henri Marre a le temps de poser son chevalet pour peindre?
J'imagine bien les deux hommes, émus par la beauté simple des lieux, essayant de trouver un lieu pour séjourner quelques temps sur place. L'instituteur est en vacances et ne pourra pas les loger dans son logement de fonction. En vivant dans un logement de fonction dans un petit village, j'ai eu ainsi quelques fois à dépanner des "naufragés de la route", le dimanche ou le soir quand le village est désert. On sonne à la porte de l'école. Maintenant, plus de logement de fonction pour les instituteurs devenus "professeurs des écoles", mais il y a des téléphones portables.
Emile Pouvillon et Henri Marre sont comme dans un monde "étranger" dans cette campagne, des explorateurs, des visiteurs. Ils observent tout comme ils sont observés. Mais de là à passer une nuit dans une des fermes, habitués à un certain confort, ils ne franchissent pas le pas.
"Restaient les logis indigènes... Un coup d'oeil suffit à nous renseigner. Ah! l'envers du joli décor que nous admirions tout à l'heure! Pittoresques aussi les intérieurs de ces maisons dont les façades nous avaient enthousiasmés, délicieusement pittoresques avec les luisants des vieux cuivres sous les poutrelles enfumées, avec les nuances passées des courtines qui drapaient les vieux lits à l'ange. Mais la saleté séculaire, les relents d'humanité mal lavée; comment vivre là-dedans? Et comment nous sustenter avec le maigre pot-au-feu, avec les nourritures végétariennes accommodées au lard rance, sur quoi se fonde la cuisine quercinoise ?"
Là je trouve le jugement d'Emile Pouvillon un peu sévère, mais il faut peut-être le replacer dans son contexte de la fin du 19ème siècle. Alors qu'il demande à son camarade: "croyez- vous qu'une maison paysanne de date plus récente, avenante et gaie, ne serait pas aussi intéressante à peindre que les nids à vermine des terriens de la Ramière?
Celui-ci lui répond
"Sans parler de la poésie du passé, du prestige des choses mortes ou qui vont mourir, il manquerait à votre maison neuve cette adorable patine déposée par la morsure des soleils anciens, par la caresse lente des averses, ce joli vêtement de mousses parasites qui font aux pierres comme une peau vivante. Les vieilles masures s'effondrent; elles disparaissent l'une après l'autre, condamnées par le progrès économique. Laissez-nous profiter de leur beauté éphémère. Ce serait pousser un peu loin nos scrupules de démocrates que d'orienter nos recherches d'après l'idéal encore informe d'un peuple qui ne connaît de la littérature que le roman-feuilleton et de l'art que la chromolithographie".
Henri Marre, avec son oeil de peintre est touché par l'usure du temps, la "patine" des lieux qu'il sent condamnée à disparaître et voudrait l'immortaliser avec sa peinture.
Ce récit nous donne une idée de la vie rurale avant la guerre de 14. En lisant Léon Cladel (article à venir), c'est la même démarche de témoignage.
Pour Antonin Perbosc, c'est différent. Il est un peu plus jeune, mais issu de la ruralité. Il vit davantage dans la mutation de ce milieu, mais veut poursuivre l'oeuvre de ses prédécesseurs en se faisant "archiviste" de ce passé.
Il me semble important que tout le travail accompli par ces "anciens" (et il y en a bien d'autres que nous découvrirons petit à petit) ne soit pas perdu et reste facilement accessible à tout le monde. Heureusement il existe des versions numérisées maintenant à la BNF de quelques ouvrages.
Martine