Je ne sais pas si vous connaissez cet endroit à Montauban... Nous sommes au-dessus du pont des Consuls, sur la place Lefranc de Pompignan.
sur l'aile droite du théâtre, aujoud'hui théâtre Olympe de Gouges (retenez Olympe de Gouges et Lefranc de Pompignan, nous aurons certainement à en reparler), il y a une plaque commémorative (à droite de la porte blanche). |
Vous comprendrez ce qui m'a amenée à faire des recherches sur la famille Rouffio. Je n'ai rien encore sur la famille Duchemin, mais sur les familles Delon, Garrisson et Mariette, nous sommes nombreux à avoir fait des recherches. Ce sont trois familles protestantes de Montauban, ou plus précisemment de Varennes, Villemur et de ce secteur du département. Mais aujoud'hui, je ne vais pas faire un article de généalogie.
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Nous sommes en 1790 à Montauban, à quelques mois de la Révolution Française. Les protestants ont depuis quelques années retrouvé leur liberté de culte et sont les principaux commerçants, facturiers, négociants de la ville. On pourrait dire qu'ils détiennent le "pouvoir économique" de la ville. Mais le pouvoir avant la Révolution est détenu par les éclésiastiques et les aristocrates. Une majorité de protestants est très favorable aux idées de la Révolution et n'hésitent pas à s'engager. Ainsi lors de la constution des gardes nationales, ils se portent volontaires. A Montauban, la Garde Nationale est dirigée par Jean-François-Alexandre Dupuy-Montbrun (catholique). On ne peut donc pas dire que c'est une lutte entre protestants et catholiques mais une lutte entre révolutionnaires et contre-révolutionnaires.
François, Parisiens, mes amis, mes camarades ! vous, à qui le monde doit et devra sa liberté, ouvrez donc les yeux ! ouvrez-les enfin. Ils ont le front de traiter la Contre-révolution de chimère ! Ils osent vous le dire en face les scélérats ! les bandits ! Je parle de cette nombreuse armée de brigands que les chefs ennemis assemblent invisiblement dans cette capitale, qui par-tout se même à nous et nous investit, qui tenteroit bientôt sur nous ce qu’elle commence déjà dans les provinces. Défenseurs de la liberté, lisez et jugez ! Puis allons donner le fil de nos sabres, et préparez des cartouches. Le bruit de la journée sanglante de Montauban, du 10 de ce mois, frappe vos oreilles depuis avant-hier 17. On en crie une relation vague, fausse dans toutes ses circonstances. Voici les détails authentiques. Sorti autrefois de cette ville, alors si riante, si infortunée aujourd’hui, où la rage des Noirs vent de répandre le pur sang des amis de la Révolution, la voix fidèle de mes concitoyens me transmet ces tristes récits. La municipalité actuelle de Montauban, cette municipalité infâme, toute composée de vils suppôts de l’aristocratie, élus illégalement à l’abri mes mesures violentes, dont je vous parlerai bientôt, n’a cessé de miner la liberté, et de faire preuve d’un dévouement servile à ses ennemis. Jamais elle n’a fait publier les décrets de l’Assemblée Nationale. Elle a refusé aux bons citoyens la liberté de prêter serment civique que toute la France a prêté. Elle a empêché avec vigueur toute réunion particulière des citoyens, et a même osé afficher, dans son insolente bêtise, qu’il n’y avoit pas de citoyens actifs. Elle n’a permis et favorisé que l’assemblée exclusive et anti citoyenne des Noirs, qui se tenoit dans un couvent de Cordeliers, et profanoit ainsi ce beau nom, si cher dans Paris aux amis de la liberté. Elle a toléré et protégé la vente d’un déluge de libelles non signés contre l’Assemblée Nationale. |
Elle a interdit à la garde nationale toute fédération patriotique avec celles des villes et des villages voisins ; elle a même eu l’impudence de se plaindre à l’Assemblée Nationale du désir qu’avoient montré ces braves citoyens de former cette union civique. Hélas ! les infortunés n’ont péché que par trop de faiblesse et de timidité, que par une soumission trop peu raisonnée et trop pusillanime à lurs tigres municipaux. Pères de la patrie ! vous le savez, c’est vous que j’en atteste ; jamais adresse de cette municipalité coupable n’a béni vos travaux sacrés ! jamais leur plume impie ne traça l’adhésion patriotique ! leur voix impure ne s’est point unie à ce concert sublime de toute la France. Vous vous rappelez, au contraire, avec quel plaisir chacun de vous entendit, dans le temple de la liberté, les touchantes félicitations, les expressions brûlantes de civisme et de reconnoissante que vous adressoit la fidèle garde-nationale. On l’en a bien récompensée ! Les municipaux, au mépris du décret qui ordonne que les gardes nationales resteront dans le même état jusqu’à leur prochaine organisation, et tordant le sens de ce même décret, les ont désarmés depuis deux mois, leur faisant déposer leurs armes à l’hôtel-de-ville et tenant ces armes sous la clef. Cette garde nationale, forte de quinze cens hommes, n’a pas voulu paroître heurter la constitution en résistant à ces usurpateurs civils : elle a passivement obéi. Dès-lors, la cabale des noirs, supérieurement servie à Montauban par une coalition de prêtres et de vils suppôts de la vieille justice, a eu le champ libre. On a travaillé de longue-main le fanatisme d’une portion du peuple ignorante, infectée de préjugés invétérés comme ses frères Protestans ; on a ranimé sa fureur et sa haine, tant en calomniant les travaux de l’Assemblée Nationale, qu’on présentoit comme la ruine de la religion et de la société, qu’en couronnant une interprétation si perverse par ce mensonge atroce : que c’étaient les Protestans qui faisoient tout cela. |
Enfin, l’horrible explosion qu’on préparoit a commencé le 10 mai à huit heures du matin. On plaça aux portes des couvens des femmes armées de piques et d’épées, pour former une opposition concertée aux municipaux qui devoient y venir faire l’inventaire. Deux de ces Messieurs ne manquèrent pas de se présenter à la porte de chaque couvent, sans escorte, comme on l’avoit fait dire aux femmes ; ils se retirèrent sans faire d’observation ni de remontrance, et allèrent dresser procès-verbal de l’opposition, que de concert avec leurs complices, ils avoient eu soin de ménager. Cela fait, on distribua à ces femmes, toujours postées à la porte des couvens, et assises à terre, des billets sans signatures où on leur donnoit ordre de se porter en foule à la maison de ville, et d’y demander, avec des cris et des menaces, qu’on fît monter la garde à de nouvelles compagnies que l’aristocratie municipale avoit récemment créées en opposition à la garde patriote, stratagème favori de la cabale noire, si connu aujourd’hui, et qu’on a si bien éventé à Lyon, Toulouse, Nîmes, etc. Après s’être acquitté de ce ministère, ces corybantes se portèrent, toujours par les mêmes ordres, chez MM. Dupuy-Montbrun, commandant de la garde nationale, et Preyssac qui en était le major, et s’y livrèrent à de telles fureurs, que ces deux chefs patriotes furent obligés de se sauver pour éviter d’être massacrés. L’après-midi s’excuta la scène arrangée qui devoit servir de prétexte à la sanglante tragédie. Un capitaine signalé comme vil aristocrate, entra brusquement dans l’église des cordeliers, suivi de sa compagnie, aristocrate comme lui, et bien connue pour telle dans la ville ; ils y brisèrent tout, mais n’y trouvèrent rien à profaner : on étoit convenu de serrer les objets de vénération destinés aux saints mystères, et les bons Pères avoient eu soin de les éloigner. Ce coup d’adresse bien porté, et la tourbe fanatique suffisamment agacée, l’honnête capitaine et son honnête compagnie se retirèrent chez eux en toute paix et sûreté. Le peuple égaré, qu’une suite d’artifices trop bien tissus avoit mis en fureur contre les Protestans, at auquel servoient de levain tous les brigands et mauvais sujets que la cabale avoit pu ramasser, se répand dans les rues en criant : aux armes. ! aux armes. ! enfonce les boutiques des armuriers, en enlève les armes, et à leur défaut se saisit de fourches, de bâtons, de tous les instrumens meurtriers qu’il trouve sous la main. |
Jean Louis PRIEUR 1790 musée Carnavalet Paris
Ils courent à l’hôtel-de-ville, où étoient postés un petit nombre de dragons de la garde-nationale, et partie de la compagnie Martres, infanterie, en tout quarante-deux hommes bien armés, plusieurs même sans fusils, grâce aux soins de la perfide municipalité. Malgré leur prodigieuse infériorité de nombre contre une tourne scélérate de deux ou trois mille hommes, ces fidèles soldats-citoyens hazardèrent, sans tuer personne, de tirer quelques coups de fusils pour en imposer, défendre la maison de ville, enfin d’empêcher la multitude de forcer cet arsenal dont les municipaux tenoient la clef, et d’enlever ce qu’il contenoit. Accablés par le nombre, ils se retirèrent dans le corps-de-garde. Ce fut alors qu’on ouvrit le dépôt, qu’on livra en trahison à la bande infernale, les armes et munitions qui s’y trouvoient ; et voilà les défenseurs de l’ordre, et de la liberté livrés en victimes à une nuée de fanatiques et de brigands ! La plume me tombe des mains… Cette populace enragée tira plus de six cens coups de fusils à travrs les vitres. Cinq citoyens ont été massacrés. Les noms de ces martyrs de la liberté et de leur devoir, m »ritent d’être connus. Ce sont les sieurs Rouffio-Crampes, Garrisson, Mariette, Duchemin et Payes. Un grand nombre ont été blessés, quelques-uns mortellement ; l’un de ces derniers est mort peu de temps après. Tous sont des meilleurs citoyens, et la plupart appartiennent aux meilleures familles de négociants et fabricans de cette ville industrieuse : le sieur Mariete étoit fils d’un puissant manufacturier en soie, qui faisoit vivre un grand nombre d’ouvriers, dont une partie a du se trouver mêlée parmi les meurtriers du fils. Le comble de l’horreur, c’est que les malheureux survivans, au nombre d’environ 37, ont été enfin arrachés du corps-de-garde ; c’est que les séditieux les ont dépouillés de leurs uniformes, les ont entraînés en chemise, nuds pieds, les chapeaux rabattus, après y avoir attaché une cocarde infâme, une cocarde blanche avec une croix dessus ; c’est que, par insulte et pour ajouter à leurs souffrances, ils ont promené par toute la ville ces malheureux citoyens, presque tous grièvement blessés, sanglans, et se traînant à peine ; ils les ont conduits devant l’église cathédrale, et les ont forcés de faire une espèce d’amende honorable. Enfin, on les a conduits prisonniers au Château Royal (c’est le nom de la conciergerie de la ville de Montauban) Une très forte garde du régiment de Languedoc les y garantit seule des emportements de la populace furieuse, toujours avide de leur faire subir le dernier supplice. Tel eût été sur-le- champ leur horrible sort, si Languedoc ne fut venu tout jste à temps les y soustraire ; car les artisans de cette fatale journée avoient fait consigner ces braves et loyaux soldats dans leurs casernes ! Rapprochez tout cela ! Que de réflexions ! On a désarmé tous les protestans, ainsi que les catholiques honnêtes et patriotes. Montauban est en proie à une horde de bandits révoltés, dirigés par l’aristocratie, et dans l’ivresse d’un triomphe éphémère. Parisiens, patriotes, pardon, mes amis ! j’ai le cœur serré, et mon récit se trouble. Je vous ai narré l’évènement, mais j’ai à revenir sur des détails ; j’ai des réflexions amères à présenter. Ma vie et mon sang doit venger mes compatriotes, mes amis, les compagnons de mon enfance ! je ferai suivre ceci d’un supplément. |
graveur: Philippe Joseph MAILLART, musée Carnavalet Paris
liens
la cause des troubles de Montauban: Dupuy Montbrun https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k517752
https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1881_num_12_1_6293_t1_0666_0000_7