Toujours à la recherche de petites sorties qui ne nécessitent pas de grandes marches, je sillonne quelques quartiers de Montauban, et plus particulièrement Villebourbon. Je ne connais pas bien ce quartier et pourtant ma famille maternelle en est originaire. On ne peut pas dire que le quartier soit bien beau. Dévasté par les inondations, la reconstruction n'est pas toujours bien harmonieuse. |
Cette "triste" rue de Villebourbon qui rejoint l'église Saint Orens porte un nom que j'ai rencontré dans un acte de mariage: Bénédict PREVOST, âgé de 53 ans, homme de lettres. (9/02/1809 acte de mariage de Marquise Pauline DELMAS avec Jean Pierre NOALHAC)
Et c'est ainsi que mes recherches sur Bénédict PREVOST ont commencé
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Des PREVOST, on en trouve régulièrement dans les registres du Consistoire, mais je n'ai pas encore pu établir de liens avec Bénédict. Un petit tour dans les tables décénales des décès de Montauban, et je trouve le 18 juin 1819, le décès d'Isaac Bénédict PREVOST, professeur de philosophie à la faculté de thélogie protestante, né à Genève, dans la maison de monsieur Delmas aîné. Le décès est déclaré par Jean Pierre Noalhac et Benjamin Sigismond Frossard, 65 ans, ancien doyen et professeur de morale à la faculté de théologie protestante.
C'est dans un dictionnaire biographique des savants du XIXe siècle que j'ai trouvé des renseignements complémentaires
professeur de philosophie à la faculté de théologie de Montauban, l’un des membres fondateurs de l’Académie des sciences de Montauban, membre de la société de physique et d’histoire naturelle de Genève, correspondant de la Société galvanique et d’électricité de Paris, des Sociétés médicales et de médecine-pratique de Montpellier ; de celles des amateurs de sciences de Lille, et d’émulation de Lausanne ; né à Genève le 7 août 1755 ; mort à Montauban, le 8 juin 1819 |
On y trouve en annexe tous ses écrits et ses diverses expériences. Je n'ai hélas pas trouvé le document illustré sur les expériences autour de la "carie du blé"
Le document qui donne le plus de renseignements sur Bénédict PREVOST, c'est la notice ci-contre de Léonce BOUDET (voir article sur la famille BOUDET) Bénédict PREVOST nait à Genève dans une famille relativement modeste. Mais nous n'apprenons rien sur les origines de cette famille. Est-ce une famille protestante originaire de Montauban? On retrouve les noms de tous les "savants" tarn et garonnais de l'époque. Les bourgeois, rentiers, proprétaires ont des loisirs autour des sciences, tout semble sujet à études. Nous sommes en 1903, Bénédict Prévost est décédé depuis plus de 80 ans et sa mémoire semble tombée dans l'oubli... |
Dans le remarquable discours qu’il a prononcé, le 17 décembre 1902, à la séance publique de la Société nationale d’agriculture, M. Prillieux, sénateur, président de la Société Nationale d’agriculture et membre de l’Académie des sciences, fait comprendre en quelques mots toute l’importance d’une découverte de Bénédict Prévost. "Au commencement du XIXe siècle, la carie du froment faisait en France des ravages qu’on a peine à croire possibles aujourd’hui, quand elle fut l’objet d’études admirables poursuivies pendant dix ans, à Montauban par Bénédict Prévost. Aujourd’hui, on peut parcourir pendant des heures des champs de blé, dont les semences ont été sulfatées, sans y trouver un épi carié, et pourtant combien d’agriculteurs ne connaissent pas même le nom de Bénédict Prévost !" |
Léonce Boudet définit 4 périodes dans la vie de Bénédict Prévost.
de sa naissance à sa venue à Montauban
Son père, qui voulait le destiner au commerce, le fit alors entrer comme apprenti chez un marchand droguiste, où il trouvait fort ennuyeux d’avoir à balayer le magasin, remuer les ballots de manne et de séné et, pour occupation intellectuelle, d’avoir à copier de plates lettres de commerce. Un jour il se laissa tomber sur le pied un poids de 25 livres qui lui fit une mauvaise blessure, et l’on soupçonna que ve fut exprès et par dégoût du métier. Quoi qu’il en soit, il ne voulut plus retourner à ce vilain magasin, et son père consentit à ce qu’il reprit ses études. Cet accident l’ayant obligé à garder quelque temps le repos, il dit un jour à son cousin Pierre* qui était venu le voir : « J’ai réfléchi que si j’avais simplement posé le poids sur mon pied il ne m’aurait pas fait de mal, tandis qu’en tombant d’une hauteur de quelques pouces, voyez l’entaille ; il y a donc une différence entre une force vive et une force inerte. » Il continua à déduire des principes de mécanique de son accident ; son goût pour les sciences ne fit que se développer et il se livra avec ardeur à l’étude des mathématiques. Il eût bientôt comblé les lacunes de son éducation première, et put terminer honorablement ses études. C’est à ce moment que s’offrit à lui une place assortie à ses goûts et à ses dispositions. |
*https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Pr%C3%A9vost_(physicien)
Arrivée à Montauban
C'est comme précepteur des fils de Monsieur Delmas que Bénédict Prévost s'installe à Montauban, en octobre 1777. (je pense avoir identifié ce M. Delmas, mais on verra plus loin)
Outre les enfants Delmas, il donne des cours dans des pensionnats particuliers, il rembourse ainsi quelques dettes et envoie de l'argent à sa famille (ses parents et une soeur d'après les renseignements de Léonce Boudet).
Il employait ses loisirs à de longues promenades dans les environs de Montauban, pendant lesquelles se développèrent ses qualités d’observateur ; il dit lui-même dans l’introduction d’un de ses mémoires publié en 1797 : « Il y a vingt ans environ, qu’en nous promenant, un de mes amis et moi, aux environs de Montauban, nous remarquâmes, dans des ornières remplies d’eau vaseuse, des insectes qui nous parurent singuliers.* » Ses recherches scientifiques le mirent bientôt en rapport avec les personnalités de Montauban qui s’intéressaient à l’agriculture, aux lettres et aux sciences, au nombre desquelles, MM Lamothe, Ysarn de Capdeville, de Maleville de Condat, Robert Fonfrède, et surtout l’illustre astronome Duc Lachapelle, dont il devint l’ami et le conseiller**. C’est dans une aussi bonne compagnie qu’il prit part à la fondation de la Société des sciences et arts du département du Lot, dont il faut avec Duc Lachapelle l’âme et le soutien, et plus tard le secrétaire. Il correspondait aussi avec des savants étrangers, et plus particulièrement avec ceux de son pays d’origine tels que Le Sage, Senebier, Gosse, Jurime, Hubert et surtout avec son illustre parent Pierre Prévost. * Histoire d'un insecte ou d'un crustacé (voir page 19) ** autant de personnages à découvrir dans de prochains articles |
C'est en 1798 que commencent ses travaux sur la carie du blé. Il fait ses expériences sur la propriété de M Delmas à Belleplaine, commune de Lavilledieu.
Malade, il interrompt ses recherches en 1803 jusqu'au milieu de l'année 1804.
les travaux sur la carie des blés
Bénédict Prévost, après un moment de convalescence reprend ses travaux. Un autre personnage montalbanais le seconde, principalement pour les dessins de ses expériences. C'est Prosper DEBIA*, peintre montalbanais. Celui-ci a écrit des notices biographique sur Bénédict Prévost en 1864, dans le bulletin agronomique.
* un article est à faire sur Prosper Debia
C’est à partir du moment où il revint à la santé, dans le cours de 1804, que mes relations avec Bénédict Prévost, jusqu’alors assez rares, devinrent assidues et familières ; l’utilité de mon concours, comme dessinateur, me procura l’avantage d’un échange précieux de services. L’époque où s’établit ma résidence habituelle à Belleplaine, chez mon grand-père, auprès de Bénédict Prévost, fut donc précisément celle où il fit ses belles découvertes sur la cause physiologique de la carie du blé. J’ai eu la bonne chance de me trouver le témoin et le préparateur des expériences qu’il entreprit. Toutes ses observations ont été recueillies, constatées par une multitude de dessins que j’en ai faits et qui ont été dispersés, pour la plupart envoyés à Genève, à Paris. |
Je n'ai pas encore trouvé le document illustré, mais j'ai un dessin de Prosper Debia représentant Bénédict Prévost (trouvé dans la note de Léonce Boudet). Prosper Debia dit être le petit fils de M. Delmas.
A ce jour je n'ai pas trouvé ses grands parents, mais dans de précédentes recherches
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Prosper Debia est né en 1797. Si sa mère, Jeanne Marie est la soeur de Marquise Pauline Delmas, son grand père est Antoine Delmas marié à Hélène Lamothe. (le hasard me fera peut-être un jour tomber sur un contrat chez un notaire...)
C'était une parenthèse généalogique que je referme...
L'entourage de Bénédict Prévost est impatient de lire enfin sa publication. Mais celui-ci ne veut publier que lorsqu'il sera sûr du "remède" à apporter à ce parasite du blé.
Enfin le 23 janvier 1807, il présente son mémoire à la Société de Montauban qui vote son envoi immédiat à l'Institut.
lla Faculté de théologie protestante de Montauban
En juillet 1808, lors de son passage à Montauban, Napoléon 1er fonda la faculté de théologie protestante de la ville. Dans un premier temps Bénédict Prévost ne fut pas choisi comme professeur. Son cousin Pierre Prévost intervient auprès de l'inspecteur génréral Pictet et Bénédict Prévost envoie sa candidature.
Mon cousin m’a assuré à plusieurs reprises qu’une telle place était fort à ma portée et que, malgré les apparences qu’une grande timidité et beaucoup de distractions pouvaient susciter contre moi, je la remplirais à la satisfaction des personnes qui me l’auraient confiée. Je l’accepterai donc avec reconnaissance, dans l’espoir de me rendre plus utile, et en supposant que l’amitié de mon parent ne lui fasse point illusion sur mon mérite. J’exclus formellement tout ce qui peut avoir des rapports trop directs avec les langues, la théologie. J’exclus encore la métaphysique, les sciences morales et politiques, ainsi que tout ce qui supposerait une vaste érudition. |
Je reproduis la suite de la note de Léonce Boudet
Pictet revint quelques temps après à Montauban et accepta l’hospitalité de la famille Delmas ; il s’entretint longuement avec Bénédict Prévost auquel il promit d’écrire en sa faveur à Cuvier, mais ayant appris que Bénédict Prévost, absorbé dans ses recherches scientifiques et retenu presque toute l’année à la campagne par l’état de sa santé et les expériences qu’il y faisait, ne fréquentait pas assidûment le culte, il lui écrivit le 16 août pour le lui reprocher , et le 23 septembre Bénédit Prévost lui répondait : « Je vous suis très reconnaissant des soins que vous voulez bien prendre pour moi et je vous remercie de votre admonestation amicale sur les assemblées religieuses. J’avais dit depuis longtemps à M. Frossard que lorsque j’appartiendrais comme professeur à la Faculté je me trouverais moins rarement dans ces assemblées. J’y aurais même été depuis l’établissement de la Faculté, surtout depuis qu’il y a des prédicateurs que je serais charmé d’entendre ; mais je m’en suis abstenu jusqu’à présent, et je m’en abstiendrai même encore, jusqu’à ce que j’aie mon diplôme, car je veux bien qu’on croie que j’y vais plus souvent parce que je suis professeur ; mais je ne voudrais pas qu’on crut que c’est afin de l’être que j’y vais plus souvent. » Enfin le 28 octobre 1810, il fut nommé professeur de philosophie naturelle et rationnelle, à la place de M. Gasc qui fut nommé à la chaire des dogmes. En général , dit un de ses biographes, les écrits de ce savant portent une empreinte d’originalité qui leur donne du prix et qu’il faut attribuer sans doute, à la manière dont il avait acquis les connaissances qu’il possédait, il avait été son propre maître presque dans tous les genres… Il remplit avec zèle les devoirs que lui imposaient ses fonctions de professeur ; ses disciples le trouvèrent toujours prêt à seconder leurs efforts et lui étaient attachés comme à un père et à un ami. Il vécut dans le célibat de son modique revenu, sans autre ambition que de se rendre utile et de contribuer à l’avancement des sciences par ses travaux assidus ; il mourut le 18 juin 1819, à la suite d’une courte maladie, dans le sein de sa famille adoptive, qui était celle de ses premiers et plus chers élèves. |
Et je ne peux m'empêcher de conclure aussi par une petite note de généalogie: je ne sais pas si Léonce Boudet savait qu'il était parent avec Prosper Debia
Pierre BOUDET |
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Jeanne BOUDET |
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Pierre Paul BOUDET 1739-1813 |
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Jean Pierre DEBIA 1763-1816 |
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Jacques BOUDET 1760-1840 |
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Prosper Bernard DEBIA 1791-1876 |
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Pierre Paul BOUDET 1799-1844 |
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Léonce BOUDET 1841-1904 |
Et voilà encore des familles que nous avons rencontrées dans de précédents articles, et je ne doute pas qu'il y en aura bien d'autres.
Martine
liens
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6532200j/f301.image
bulletin 1864 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5731954g/f1.image p 3 et p 33
et en cliquant sur l'image de la notice de Léonce Boudet en début d'article vous pouvez la lire dans son intégralité