• Evènement climatique en 1709

    Les habitués de la lecture des registres de Villebrumier ont très certainement pris connaissance d'un texte du curé de Villebrumier, Antoine Pendaries   BMS (AC) 1700-1710 3e090-3 vues 61 & 62 (G & D)

    Glace extraordinaire Le 7 janvier 1709,

    il commença à glacer, la glace continua et augmenta pendant quinze jours et jusqu au 25 dud(it) mois avec une si grande quantité de neige que depuis la neige dudit mois , il continua à neiger jusqu’au 25 inclusivement , la neige étant si générale et si épaisse que les perdrix se laissaient prendre à la main et on en prenoit tant et la vérité si maigres qu’on en baillait pour six liards ou deux sols la pièce, de manière qu’elles périrent quasi toutes, et il fut défendu de tuer des rouges de deux ou trois ans. On prenoit aussi quantité d’autre gibier ; il moureut quasi la moitié des pigeons ne trouvant pas d’eau pour boire, il y eut des pigeonniers ou quatre vingt ou cent paires, il n’en resta que trois ou quatre paires. Cette grande quantité de neige feut sinon d’un froid si extraordinaire qu’il augmenta pendant quinze jours d’une telle manière que tout se geloit dans les maisons , jusqu’au pain quelque précaution que l’on prit, le vin se geloit dans les barriques jusqu’à faire sauter le fond desdits barriques quand il ne sortoit pas par le trou du bondon. On ne pouvoit pas laisser un verre que l’eau en si glaçat au tour, et celle qui tomboit à terre si glaçoit aussi quoyque au près du feu. Certains mettaient le pain entre deux coites mais il ne laissoit pas de se glacer. Un jour il tomba un certain brouillard même dans les maisons que toutes les murailles et paroits luisoient comme de la glace. Le froid ne glaçoit pas seulement les choses liquides, il s’en prit encore aux arbres ; on vit quantité de chesnes qui se fendoient et crevassoient par le milieu de manière qu’il ne restoient bien peu qui ne moururent pas, tous les noyers, amandiers, figuiers. En plus part des cerisiers moureurent, les pruniers aussi et les pommiers et quoyque quelques cent de ces arbres ayent vécu et pousse des feuilles pendant quelques années, cela n’a été pour la plus part que de l’écorce car le pied desdits arbres ; c'est-à-dire le bois du corps de l’arbre estoit comme sec et carié, comme on la remarqué très présent sept à huit ans après led(it) froid, lorsqu’il estait des vents impétueux qui renverrroit ou tout ou en partie desdits arbres, et les noyers et autres arbres qui enfeurent pas coupés debout après le froid, n’ont pu servir a aucun ouvrage mais seulement à mettre au feu. Je ne dois pas oublier les vignes qui moureurent quasi toutes à la reserve decelles qui estoient bosses et couvertes de neige car il fallut les coupées ras terre et elles repousserent ensuitte aussi ny eut il pas guère du vin pendant cinq à six ans. Quelques jours après le temps s’adoucit un peu et la neige se fondit ou le soleil donnoit et les bleds (blés) feurent un peu decouverts ; mais ensuite il se leva un vent de bise qui les fit mourir jusqu’à la racine et on feut obligé en plusieurs endroits de ressemer d’horge ou palmoule ou millet ou il y avoit du bled. Nota que led(it) horge et palmoule réussirent si bien que en plusieurs endroits d’une rase, il y eut neuf à dix sacs. Le 22 dud(it) mois la glace de la rivière qui estoit de l’épaisseur de deux à trois pans commença à fondre, le 23 jour de mardy vers le 9 du soir la glace se rompit et commença à descendre avec tant d’impétuosité et de bruit qu’il sembloit que la terre tremblat et qu’il y eut des grands tonnerres, la glace écrasa et abima le moulin du pr(ése)nt lieu de Villebrumier, personne ne périt pourtant pas audit moulin ni par la glace. L’afferme de la dîme de Villebrumier, sçavoir la position de mr l’évêque feut a douze cent trente livres, et même les fermiers y gagnèrent considérablement le bled feut fort cher pendant deux ans il valut jusqu'à vint et deux livres le sac. Il y eut très grande misère et pauvreté. Dans le mois de juillet et aout quasi toutes les nourrices perdirent le lait, et il moureut beaucoup de petits enfants comme par famine, gangrène et mal de pieds. Outre ladite perte de lait, il y eut pendant trois ou quatre mois sçavoir depuis led(it) mois de juillet jusque vers l’automne, il eut dit se, en plusieurs endroits un certain mal de pieds et jambes qui outre la douleur très aigue et très grande pesanteur pourrissoit tellement la chair que les pieds et les jambes et même les bras que si on ne faisoit d’abord l’amputation des pieds le mal serraoit tellement les os des jambes et des bras tomboient d’eux-mêmes et il se trouva plusieurs personnes qui se trouvèrent sans bras ni jambes du commencement on ne trouvaoit d’autre remède que de couper les pieds et les jambes dans les suites on trouva quelque remède qui étant fait à bonheur arrêtoit le mal. Il y avoit entre autres le curé de Falguières qui avoit un souverain remède aussi il y assuroit une grande foule de gens de toutes parts. Dans le commencement de cette maladie plusieurs personnes en moururent, il y en eut d’autres que j’ay veu sans aucune jambe, leur ayant été coupées au genouil ou estant tombées d’elles mêmes. Je vis plusieurs fois à Villemur, une femme qui demandoit l’aumône ayant ses deux bras morts et secs et tous noirs ; elle les garda plus d’un mois comme cela, et ensuite elle se les fit oter ou ils tombèrent d’eux-mêmes et elle vecut plusieurs années n’ayant aucun bras. La chose est certaine et véritable. Ce mal ne vint pas dans Villebrumier mais y en eut à Villemur, et beaucoup à Villematié et la Magdelène ; beaucoup autour de Montauban et surtout à Négrepelisse et Mon(t)ricous. La même année et le 27 septembre, il y eut une très grande inondation sur le Tarn et Garonne, l’eau emporta les deux moulins de Villemur qui restèrent trois ou quatre ans à être remis en état à cause que la glace avoit emporté le couvert desdits moulins. La rivière sembloit une forêt à cause de la grande quantité d’arbres que l’eau avoit arrachés at qu’elle emmenoit. Cette inondation fit périr beaucoup de personnes du costé de Gaillac ou aux environs. pourrait continuer ensemble en rajoutant des définitions

    J'ai trouvé aux Archives départementales de Montauban, une brochure qui reprend cet événement en fait une analyse.

    L'auteur explique que la "gangrène sèche" dont parle Antoine Pendaries correspond aux symptôme de l'ergostisme  ou mal chaud, mal des ardents, feu de Saint Antoine.

    L'ergot est un champignon parasite de l'orge,du blé ou du seigle qui provoque une maladie non contagieuse. La gangrène peut s'interrompre avec l'amputation ou la perte d'un membre et devient fatale lorsqu'elle gagne le corps et la tête.

    Le curé Pendaries rédige cet article à posteriori puisqu'il mentionne des faits survenus les années suivantes. Il peut tenir ses informations de ses confrères, des mariniers qui circulent sur le Tarn, mais il est aussi abonné à La Gazette 

     

    Toutes les conditions étaient réunies pour cette contamination des céréales: l'hiver froid et la rareté des céréales qui pousse les plus pauvres à consommer des céréales douteuses

      32 décès à Villebrumier cette année là (10 la précédente)

     Une autre victime de ces intempéries a été Samuel Crouzet, un des meuniers de Villebrumier. Son moulin a été brisé par la glace. Le 25 juillet 1709, dame Françoise Dolmières de Labarthe seigneuresse de Villebrumier emprunte 14 000 livres "pour l'achat du bois, clous et autres choses nécessaires ou pour la paye du mestre et autres ouvriers qui travailleront à la batisse et construction du moulin flottant, qu'elle va faire construire aud Villebrumier sur la rivière de Tarn en lieu et place de celuy que la glace de l'hiver dernier emporta

    Le sieur Condel avocat au parlement habitant de Lavaur prête la somme.

    contrat chez Mr Guilhemot Villebrumier 5 E 9428 fo 37

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  • Commentaires

    1
    tatoomsutra
    Mardi 3 Juillet 2018 à 19:08

    J'adore, ces petites chroniques

    BB

    2
    Christian
    Jeudi 5 Juillet 2018 à 19:50

    Ci dessous un lien qui permet d'avoir accès à des témoignagnes de l'époque en d'autres lieux..

    http://www.histoirepassion.eu/?1709-L-annee-du-grand-hiver-25-temoins-nous-racontent

    3
    christian
    Vendredi 6 Juillet 2018 à 12:18

    L'hiver 1709 en Sarthe, un historien raconte dans une vidéo ...

    https://youtu.be/pgxtbBYMdlQ

     

     

    4
    VERO 46
    Mardi 28 Novembre 2023 à 16:07

    Bonjour, il n'y a pas que dans le bas du Tarn-et-Garonne qu'en cette année 1709 le froid a sévi. Je viens de trouver dans les BMS du village de MONTDOUMERC (46) une note du curé qui mentionne ce froid et surtout le gel qui fit crever tous les arbres.....

     

    Vue 234 et 235/816 registre AD46     MONTDOUMERC    EDT 202 E 1

     

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